Noël: et si on offrait son attention ?

Dans l’une de mes formations en entreprise, j’ai proposé un exercice très simple :
offrir à un proche un moment d’attention pleine et entière, et raconter l’expérience le lendemain. Les retours ont été étonnants. Un apprenant a joué avec son fils de six ans, créant une parenthèse de complicité rare. Une autre a choisi de se rendre totalement présente pendant le dîner familial, et l’atmosphère en a été transformée. La dernière, vivant seule, a offert ce moment de vraie présence… à son chien, ravi de cette attention exclusive.
Ces récits m’ont touchée. Ils disent tous la même chose : quelques minutes d’attention véritable suffisent à ouvrir un espace de relation. Une phrase de Simone Weil m’est revenue : « l’attention est la forme la plus rare et la plus pure de la générosité. »
L’attention reçue, le plus précieux des cadeaux
Se sentir écouté quand on parle est une expérience fondatrice de l’estime de soi. Un enfant peut grandir sans beaucoup de confort ni de biens matériels, mais il a un besoin vital d’attention. Il la réclame avec force, notamment à la sortie de l’école, quand il tire sur les vêtements de sa maman pour l’obtenir alors qu’elle papote avec une amie.
Se sentir écouté, accueilli sans jugement, c’est tout simplement se sentir vivre. En recevant de l’attention, on reçoit la vie. A l’inverse, donner son attention, c’est donner sa vie.
Qu’est-ce que la disponibilité attentionnelle ?
C’est être pleinement présent à ce qui se passe ici et maintenant, l’alignement de sa pensée avec la situation. J’appelle cela la « présence-présence », je suis là, mes pensées sont là aussi, pas sur ma to-do list, ni sur mes préoccupations.
En situation de cours, le professeur voit tout de suite si ses élèves sont présents derrière leurs yeux. La transmission ne peut se produire que si l’élève est mentalement disponible à l’enseignement, s’il est ouvert, connecté, actif mentalement.
Quand on est vraiment disponible, il n’y a plus de place pour les pensées parasites. Le bruit de fond de Mental FM s’arrête laissant toute la place pour que l’intelligence s’active. Hartmut Rosa parle d’ouverture d’un espace de résonance, aussi plaisant pour celui qui donne que pour celui qui reçoit. La mesure d’un cours réussi ? Le crépitement de la classe.
Pourquoi est-elle si rare ?
Donner son attention pleine et entière suppose de laisser toute la place à l’autre, de maîtriser son impulsivité, de savoir attendre. En un mot : se décentrer.
Or, il est rare d’accepter ce mouvement intérieur. Dans l’échange, nous cherchons souvent à donner notre avis, à plaire, à conclure, à avoir le dernier mot. La vraie générosité consiste à renoncer à soi pour faire de la place à l’autre.
Tant qu’on s’adresse à quelqu’un de plus important que soi, c’est facile. Mais se décentrer pour une personne fragile, petite, âgée ou exclue socialement, c’est une autre affaire !
Dans la relation aux personnes de la rue par exemple, il est plus difficile de s’arrêter et d’accepter de perdre dix minutes de son précieux temps pour échanger, que de glisser un billet à la volée. Nous redoutons l’imprévu qui bouscule le déroulé minuté de nos journées.
Écouter vraiment son enfant raconter sa journée demande le même mouvement intérieur. Les petits ont le talent de vouloir nous parler précisément quand nous sommes happés par le quotidien.
En cours, c’est ce professeur qui accepte l’imprévu d’une question qui jaillit et débouche parfois sur un moment de grâce.
Noël : un terrain d’entraînement
La préparation de la fête nous entraîne souvent dans une course épuisante : cadeaux, menu parfait, décoration, rangements… On pense à tout, sauf à être vraiment disponible. Et la fête peut se retrouver gâchée par l’excès de stress des préparatifs. Dommage…
Comment se préparer ?
- Vouloir se rendre disponible, c’est déjà avoir parcouru la moitié du chemin.
- S’entraîner au quotidien en s’offrant chaque jour un vrai moment avec un proche
- Ne pas viser la perfection, mais la relation
C’est peut-être le plus beau cadeau que nous puissions faire à ceux que nous aimons.
En prime, cette disponibilité mentale rejaillira sur notre capacité de concentration dans nos tâches.
La disponibilité, c’est une question d’espace plus que de temps.
