Pendant les vacances de Noël, mon fils m’a montré sa lettre de motivation en anglais, parfaitement rédigée. Étonnée par la rapidité avec laquelle il s’est exécuté, il m’a dévoilé son joker au nom affreux : ChatGPT[1].

J’avoue avoir été saisie par la puissance de ce tout récent chatbot[2], capable en quelques secondes de composer un article, une rédaction ou un exposé sur n’importe quel sujet, en plusieurs langues, de répondre à toutes les questions ou résoudre des problèmes de maths, en expliquant pas à pas le raisonnement.  

Le succès de l’IA est fulgurant : fin janvier, deux mois après son lancement, ChatGPT comptait plus de 100 millions d’utilisateurs.

Les élèves n’ont pas mis longtemps à comprendre comment tirer parti de l’IA[3] pour éviter de se torturer les méninges inutilement. Pourquoi se fatiguer à réfléchir, à trouver le mot juste, à buter sur une difficulté dans un exercice quand il est tellement simple et rapide d’obtenir une réponse toute faite et bien présentée ?  Cela donne le vertige et interroge sérieusement sur l’avenir des devoirs à la maison. L’acceptation de la frustration de ne pas réussir du premier coup va être mise à rude épreuve. En plus des écrans récréatifs, les élèves vont dorénavant avoir à résister à la tentation de le triche massive. Ce combat semble perdu d’avance, parce que le comportement humain priorise la facilité à l’effort.

Comment faire pour que l’IA devienne l’allié de l’intelligence ?

Comme toute invention, l’IA est neutre. C’est la manière de l’utiliser qui pose problème. On nous avait promis une nouvelle ère de l’intelligence, du partage de la connaissance avec Internet. Ce qui est vrai. Mais on constate aussi les ravages des fake news, la progression des violences verbales sur les réseaux sociaux, la manipulation de masse et la baisse généralisée de l’attention et de la culture générale.

Depuis longtemps, je milite pour préserver la mémoire humaine, fragile lente et imparfaite, face à la toute-puissance des mémoires externes.  Car il est nécessaire d’avoir un minimum de connaissance en stock pour être capable d’exercer son jugement et de ne pas se noyer dans la masse infinie d’informations en circulation.

La mémoire humaine est une construction complexe, fruit d’un processus d’apprentissage long et personnel, mêlé d’émotions. Elle est fragile, mais c’est précisément cette fragilité qui la rend si précieuse et tellement supérieure à la froide mémoire numérique.

Pour ceux qui ont développé des bases solides de connaissance et de raisonnement, l’IA sera d’une aide précieuse.

Plus que jamais les parents vont devoir éduquer leurs enfants au sens de l’effort, à la frustration et au discernement. Ce n’est certes pas une partie de plaisir, mais le gage d’une vie épanouie. Les enfants ont besoin de parents qui savent poser des limites éducatives et orienter leur curiosité vers la culture. Quant aux professeurs, ils vont également devoir composer avec ce nouvel outil aussi génial que dangereux.

L’avenir appartiendra à ceux qui sauront résister aux sirènes du plaisir immédiat, des réponses toutes faites, qui sauront se concentrer, qui seront capables de mener du travail en profondeur en acceptant de rabâcher, de perdre du temps, de se tromper, de vaincre le découragement.

Tout ce que l’IA ne sait pas faire.

[1] ChatGPT : GPT est l’abréviation de « Generative Pre-trained Transformer », qui se traduit en français par « Transformateur pré-entraîné génératif ». C’est un type de modèle de traitement automatique du langage naturel (NLP) développé par OpenAI, qui utilise l’apprentissage profond pour générer du texte de manière autonome

[2] Un chatbot est un programme informatique conçu pour simuler une conversation avec des humains en utilisant le langage naturel.

[3] IA : Intelligence Artificielle