Parisienne pendant la première semaine des JO, je me suis amusée à regarder l’événement sous l’angle de l’attention. Voici mes quelques réflexions :

Du silence à la saturation, du négatif au positif :

• Entre le 9 juin – date de la victoire du RN aux Européennes – et le 26 juillet, nous n’avons pratiquement pas entendu parler des Jeux, sauf sous l’angle de l’exaspération des Parisiens soumis aux restrictions de circulation, de la crainte des attentats, des problèmes récurrents dans les transports et autres QR codes qui les ont poussés à fuir la capitale.

• Le 26 juillet, l’attention collective du pays s’est brusquement détournée de tous les autres sujets. Du jour au lendemain, le silence médiatique est tombé comme une chape de plomb sur la vie politique. A croire que les élections n’ont pas eu lieu. Exit de la scène Bardella, Attal, Macron, Le Pen, Mélenchon ou la recherche d’un premier ministre qui occupaient tout l’espace. Exit également les autres nouvelles du monde. On a bien du mal à savoir ce qui se passe en dehors des exploits de nos athlètes, et c’est le vrai repos…

La vitesse avec laquelle notre attention collective est absorbée par un nouveau sujet est stupéfiante. Même si je connais bien le fonctionnement de notre mémoire passoire, je reste étonnée par la rapidité d’oubli des événements qui faisaient la une des journaux.

Nombrilisme attentionnel :

Notre attention est attirée par ce qui nous concerne et nous apporte de la satisfaction.

Chaque pays vibre aux exploits de ses athlètes, à l’exclusion des autres.

• Quelques champions hors-normes, comme Simone Biles, captent l’attention, mais ils ne sont pas légion. Petit test : sauriez-vous citer les noms des médaillés d’or en badminton, trampoline, ou gymnastique artistique masculine ?

• Cocorico ? Oui… et non. Oui pour l’immense exploit de nos champions Léon Marchand, Teddy Riner, Cassandre Beaugrand, Pauline Ferrand-Prévot, entre autres. Mais savez-vous qu’à mi-parcours, les Australiens ont gagné 7 médailles d’or en natation (dont 6 féminines et 3 en or pour Mollie O’Callaghan…) contre 4 pour nous (grâce à un seul nageur)? J’aimerais bien zapper sur la TV chinoise pour sentir l’émotion populaire de ce pays, qui à mi-parcours a déjà empoché 19 médailles d’or (12 pour la France le 4 août).

L’attention individuelle est soumise à rude épreuve. Comment choisir parmi une telle profusion de possibles ? En moyenne les Français ont regardé les JO deux à trois heures par jour, ce qui est beaucoup, et peu pour épuiser l’offre…

Comment éviter l’encombrement de la bande passante ?

• Faire le tri : regarder à fond certaines épreuves à l’exclusion des autres. C’est la voie que j’ai choisie en focalisant mon attention sur les sports équestres. Le revers de cette stratégie : j’ai frisé la saturation au bout de quelques heures (notamment en dressage) et raté beaucoup d’exploits d’autres sports.

• Zapper :  tenter de capturer les meilleurs moments de plein d’épreuves en se concentrant sur ceux dont on connaît les règles et subtilités. Plus facile pour moi d’apprécier les frères Lebrun en ping-pong que les exploits des escrimeurs ou judokas…

• Se laisser guider en suivant les programmes des chaînes nationales.

Les JO n’échappent pas à la loi de l’attention. Actuellement ils occupent tout l’espace, nous rendent joyeux et complètement accros. Notre insatiable curiosité engendre le zapping et la dispersion. Mais dès le 12 août, notre attention papillon sera attirée par d’autres sujets, hélas moins plaisants. J’espère que la saveur de cette parenthèse heureuse laissera, comme un bon vin, une longueur en bouche salutaire pour affronter le déferlement de nouvelles angoissantes qui prendront le relais. La France est créative, audacieuse, talentueuse et unie dans les moments importants… Puissions-nous ne pas l’oublier…